TiBab : L’interview

Arpentant les contrées artistiques, TiBab émerge grâce à ses origines distinctives. Ayant grandi dans les Antilles, sur l’île de Saint-Martin, réputée pour ses paradis fiscaux, il manie habilement trois langues dans son art : l’anglais, le créole et le français. Principalement influencé par la trap d’Atlanta et de Memphis, TiBab se dévoile à travers son projet « Brick Baby », en collaboration avec des figures montantes de la trap comme Gapman et Zequin, ainsi qu’avec l’artiste emblématique de l’underground montréalais, Mike Shabb.

Doté d’un égotrip enflammé et des sonorités américaines affirmées, le rappeur originaire de Saint-Martin explore un univers qui lui est propre en fusionnant ses influences américaines et caribéennes, créant ainsi des récits de vie en marge des conventions habituelles. TiBab s’affirme comme une figure prometteuse de la nouvelle vague artistique, porté par une détermination inébranlable et un cercle d’influences solide.

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T’es originaire de la partie néerlandaise de Saint-Martin aux Antilles, c’est bien ça ?

TiBab Artiste

C’est ça, exactement. Je suis né sur la partie française de Saint-Martin, mais j’ai grandi toute ma vie sur la partie hollandaise. Après, on n’a pas de frontières, c’est une seule île.

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Étant sur la partie hollandaise, tu parlais en anglais avec tout le monde là-bas ?

TiBab Artiste

Oui, la langue nationale de Saint-Martin, si je parle des deux côtés confondus, c’est l’anglais. J’étais à l’école côté français donc les profs nous parlaient en français, mais avec nos amis, dans la cour et en classe, on parlait anglais. Ce n’est pas comme en France, ça n’a rien à voir dans la vie de tous les jours. On ne ressent pas trop l’influence de la France à Saint-Martin, on n’a même pas de mairie, on a une collectivité. Ce n’est pas vraiment comme la France, ni même comme la Guadeloupe ou la Martinique. Ce sont vraiment des îles un peu plus imprégnées du délire français que nous, c’est un peu plus reculé.

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Est-ce que tu penses que le fait d’avoir grandi là-bas, ça t’a apporté artistiquement ?

TiBab Artiste

Je pense que ça m’a déjà apporté une différence, parce qu’en vrai, je suis polyglotte, je rappe en anglais, en français et en créole. Ça veut dire qu’en vrai, il n’y a personne qui fait ça en France, ou alors qui le fait de la manière dont je le fais parce que ce sont mes langues courantes. Ce n’est pas en mode dictionnaire ou Google Traduction, je ne lâche pas toutes les langues que j’ai à portée de main, ce n’est pas ça. Ce sont des langues courantes que je parle tous les jours et que je maîtrise vraiment. Mon but, ce n’est pas d’envoyer des langues comme ça. À Saint-Martin, il y a pas mal de rappeurs, mais les gens ne les connaissent pas encore. Si un jour j’ai l’opportunité de les mettre en lumière, ce que je veux faire, mais à Saint-Martin personne ne rappe en français. Je suis la seule personne de mon île qui utilise la langue française dans ses sons, il n’y a vraiment personne qui fait ça.

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Ce n’est même pas vraiment la langue avec laquelle tu es le plus à l’aise au final, si ?

TiBab Artiste

Comme on parle maintenant, moi je suis en France depuis deux ans et demi, presque trois ans. Dis-toi, il y a trois ans, j’avais du mal à parler la langue. Là, on parle normalement, mais les codes, les wesh-wesh et tout ça, je ne connaissais pas trop. Ce sont plus mes frérots d’ici qui m’ont bien appris comment m’exprimer, dans les slangs et dans les mots normaux. J’avais tout bien, mais j’avais un petit accent, je mettais des mots anglais, des mots créoles dans mes phrases françaises, alors que normalement, tu ne dois pas faire ça, tu vois ce que je veux dire (rires). Mais sinon, Saint-Martin, ça rend vraiment speed, c’est une île 100% touristique. Ça veut dire qu’on n’a ni ressources ni rien, ça veut dire qu’on se débrouille avec les touristes, il faut être débrouillard, il faut parler aux gens. Saint-Martin, c’est composé de gens qui ne viennent même pas de Saint-Martin, c’est rempli de Haïtiens, de gens de Jamaïque, Saint Kitts and Nevis, les Espagnols, des gens de Curaçao à côté du Venezuela… Ça veut dire qu’il y a beaucoup de langues qui circulent à Saint-Martin, les gens parlent beaucoup de langues en général. Je ne suis pas vraiment une exception de mon île, ce que je parle, les gens de mon île le parlent aussi, je ne suis pas une exception.

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Quand tu parlais des autres rappeurs qu’il y a là-bas, il y a une scène qui se développe ? Comment ça se passe en termes de créativité artistique ?

TiBab Artiste

Alors, moi je suis parti de Saint-Martin en 2021. Pour répondre à ta question depuis le début, j’ai lâché mon premier son à 18 ans, là j’ai quelques années de plus, tu vois. Le son avait un peu pété sur Saint-Martin, j’ai déjà fait des showcases là-bas, mon son passait à la radio. Quand j’allais en boîte de nuit, les gens savaient que j’étais là. En mode, j’ai eu mon petit épisode dans mon île, qui compte 70 000 habitants, tout est relatif. Il n’y a pas d’économie à Saint-Martin, Spotify n’était même pas accessible, ça te disait que tu n’étais pas dans la bonne zone, tu devais mettre un VPN. Saint-Martin, c’est vraiment reculé. On a un studio, Awesome Sound Records, et après t’as des gars qui ont des home studios à la maison mais qui ont fait soit des écoles, soit ils sont partis aux States, mais il y a un seul studio à Saint-Martin.

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Il y a quand même quelques personnes qui essaient d’apporter quelque chose artistiquement sur l’île alors ?

TiBab Artiste

Au niveau de la scène, vraiment, je peux te sortir 20 rappeurs de Saint-Martin, mais comme on n’a pas d’éducation sur le business musical, on a de l’éducation financière sur plein d’autres choses, on est débrouillards, on est des businessmen, mais en ce qui concerne la musique, d’après ce que j’apprends en France, on n’a rien ici à Saint-Martin. Moi, ça fait vraiment 8 mois que je prends ma carrière au sérieux, avec des personnes qui s’intéressent à moi, qui veulent me voir pour des rendez-vous, des labels, des trucs… Alors qu’à Saint-Martin, il n’y a pas cette opportunité, même quand quelque chose de bien se passe. Par exemple, quand mes morceaux faisaient 80 000 vues, il n’y avait pas vraiment d’opportunités, tu vois ce que je veux dire. Ici (en France), les jeunes qui font 80 000 vues se font approcher par des gens qui sont vraiment intéressés. C’est vraiment différent. Dans mes objectifs, sans te mentir, j’aimerais d’abord réussir un peu en France, voire même en Europe, que ma musique devienne un peu internationale. Je parle anglais, je parle créole, et j’ai l’intention de partir au Canada rapidement, où beaucoup parlent créole et anglais. Cela signifie que ma musique est destinée à l’international. Pour moi, c’est une étape de vie ici. J’aimerais bien marquer mon passage, et cela peut durer 5 ou 6 ans, le temps de laisser une empreinte significative ici. Et quand ma musique deviendra internationale et que mes connexions s’étendront, j’aurai besoin d’être un peu plus international, de me mélanger partout, je respecte la France qui m’accueille, mes papiers sont français donc je respecte cela, mais je ne me considère pas vraiment comme un artiste français typique dans le fond, je ne me considère pas comme l’artiste français moyen. Même si les gens d’ailleurs me voient comme un gars de France ou peu importe ; je trouve que les connexions de la France avec les autres pays ne sont pas assez cool, pas assez respectées. J’ai envie d’apporter d’autres dimensions au rap qu’il y a ici. Surtout que le rap français est en train de s’américaniser. Au début, il y a trois ans quand je suis arrivé ici, je ne faisais que des morceaux en anglais, je mettais peut-être 4/5/6 phrases en français juste pour montrer que je sais le faire et que les gens se disent “wesh, il parle français le poto ?”, mais maintenant il y a cette influence un peu américaine, donc je peux faire ce que je veux et les gens comprennent automatiquement après.

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Je voulais te demander, justement, tu me l’as expliqué à l’instant mais tu as vraiment une vision hyper large de la musique, notamment du fait que tu rap en 3 langues. Est-ce qu’au-delà du fait que ce soit naturel pour toi, il y a un réel but de toucher un public plus large ?

TiBab Artiste

C’est ça. De base, même le français, c’est vraiment quand je fais des rendez-vous avec des gars et qu’ils écoutent, à force, en deux ans et demi, quand tu entends plein de gens qui te disent “mon reuf, tu devrais un peu plus rapper en français parce que t’es en France à la fin de la journée”, mais, de base, je suis plus en mode, je peux rapper en anglais facilement, longtemps. Je peux te faire deux versions d’un son en anglais, y’a pas de problèmes. Le français, je dois un peu plus me casser la tête, c’est la langue avec laquelle je suis le moins à l’aise, même dans les sonorités. Par exemple, le créole, je trouve que c’est une dinguerie comme c’est beau. Je peux trapper, rapper ou faire de la drill en créole, ce sera toujours beau. 

Le français, je le mettrais en dernier dans mon classement des langues, on va dire. Ce sont des langues sur lesquelles je compte parce qu’en vrai elles ne sont pas assez démocratisées, mais les gens qui sont vraiment branchés et qui connaissent vraiment, même ceux qui sont dans des vraies hautes sphères, ils savent ce qu’est le rap. Et puis moi, je ne fais pas partie des colonies françaises. C’est-à-dire que les gars qui rappent chez moi, ils ne rappent pas en français, mais pas en anglais non plus. Le rap de Saint-Martin, c’est celui de Saint-Kitts, de Sainte-Croix, de Saint-Thomas, de Nevis. Ce sont des endroits que les gens ne connaissent pas mais dont j’ai besoin de mettre la lumière dessus. Les îles Vierges britanniques, les îles Vierges américaines, Saint-Martin, c’est vraiment dans cette zone-là.

C’est vraiment comme si les Antilles n’étaient pas françaises. On a un côté de notre île qui est française, mais c’est vraiment comme je te l’ai dit, estompé. C’est vraiment une culture. Ça veut dire que quand je suis sorti de là-bas, je connaissais Booba, mais c’est tout. Maintenant, je suis en France depuis trois ans donc mes amis me mettent à jour avec plein de trucs mais moi je ne connaissais vraiment rien. J’étais vraiment à l’ouest, et encore plus sur tous ces trucs de “new wave”. Je ne connaissais rien du tout, c’est vraiment petit à petit que ça m’a mis dans la culture d’apprendre les trucs, même le rap français, parce que vraiment j’étais à l’ouest. J’ai grandi en écoutant que du rap américain, c’étaient des trucs bien à l’ancienne, style Biggie, ou des trucs de mon île, du Bouyon, de la Soca, des musiques de mon bled, de Curaçao à côté du Venezuela, tu vois.

Ça veut dire qu’il y a beaucoup de mélanges, c’est une différente culture musicale et une culture de vie qui fait que mon produit va être un peu différent de ceux qui viennent d’ici. Ici en France, il y a des sonorités un peu plus froides, un peu plus de trucs, mais je respecte ça, j’aime ça aussi. Je pense que ce que tu fais, c’est par rapport à d’où tu viens que tu fais ce que tu fais.

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Tes premières influences, on va dire, ce qui t’a donné envie de faire de la musique aussi de ton côté, c’est surtout le rap américain au final ?

TiBab Artiste

Ouais, c’est ça. Moi, je n’ai pas écouté de rap français durant ma jeunesse. J’écoutais que du rap américain et du rap de chez moi, ou alors du dancehall. C’est ça que j’écoute tous les jours, le dancehall, c’est des sons qui me font kiffer. Sinon, c’est que des musiques américaines. Ce qui m’a donné envie de rapper, c’est quand je suivais la vibe de Chicago en 2013-2014, en mode Chief Keef quand il a commencé à vraiment percer. C’est eux qui m’ont vraiment marqué, c’est comme s’ils étaient comme moi et mes potes. C’est vraiment ça, Chief Keef, Lil Durk, Lil Reese, G Herbo, tous les mecs de Chicago, ils m’ont donné envie de faire du rap. 

Après, ils sont arrivés avec des sonorités différentes, Lil Baby et G Herbo sont arrivés avec des sonorités plus rapides en mode drill, avec les hi-hat. C’était la drill de Chicago, c’est comme ça que ça arrivait. Ensuite, les mecs de Londres ont repris ça des années après, j’ai kiffé. Parce que la drill, il y a un côté un peu tam-tam où ça bouge, c’est saccadé. Au bled, on aime bien les trucs comme ça, ça veut dire que tout le monde a pris cette vague de la drill. Même après, la UK drill qui s’est transformée en New York Drill, en vrai, c’est ça pour moi.

Mais au final, les courants de la trap, je les ai tous écoutés, que ce soit Memphis, Atlanta, moi j’aime la musique, j’en ai beaucoup écouté, je suis ouvert. J’essaye de connaître un peu tout sur le rap américain, d’où est-ce qu’ils viennent, etc. En général, je connais tout, je suis branché normalement (rires).

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Est-ce que c’est quelque chose qui est arrivé en grandissant ou est-ce que très tôt tu as écouté du rap ? Quand tu étais plus jeune, à la maison, qu’est que tu écoutais ?

TiBab Artiste

À la maison, il y avait du rap, du dancehall, ma mère écoutait beaucoup de reggae, et mon père des trucs comme Barry White. C’est ce qu’il y avait à la maison. Ma mère aimait bien Alicia Keys, mais elle écoutait aussi du rap, comme Biggie. À 7 ans, j’étais fan de 50 Cent. Même Lil Wayne, c’est venu plus tard, parce qu’à 7 ans, il ne rappait pas encore (rires), il n’était pas encore célèbre comme il l’est devenu après. Ensuite, j’ai suivi tous les courants, Young Money Cash Money Blood, YMCMB, j’étais à fond dedans. Ensuite, il y avait les mecs de la Nouvelle Orléans, puis Drake, au début j’aimais bien Drake, c’était une époque. 

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Tu parlais de ta proximité avec les États-Unis, le Canada et autres. Est-ce que ce sont des endroits où tu es beaucoup allé, ou est-ce que ça t’a plus impacté parce que tu t’y intéressais de toi-même ?

TiBab Artiste

J’ai eu la chance d’aller aux États-Unis. Je n’ai jamais été au Canada encore, mais j’ai été à New York, à Miami plusieurs fois, et dans le Nevada. Pour le Canada, c’est prévu, je devrais y aller cette année normalement. Depuis que je suis en France, je n’ai pas fait de voyage, je me suis concentré pleinement sur la musique. Pendant les 9 derniers mois, j’avais prévu des voyages et d’autres projets, mais j’étais plus concentré sur mon projet musical, sur l’idée d’obtenir un contrat par exemple… Ce sont des étapes de vie importantes, mais cette année, je vais essayer de voyager autant que possible. Normalement, je prévois d’aller à Atlanta, où je vais rester un ou deux mois pour voir des amis et essayer de faire des enregistrements. C’est des choses que les Français ne font pas souvent, mais j’aimerais bien le faire. J’ai l’impression qu’il y a quelques gars qui font déjà ce genre de démarches, ils partent même aux États-Unis, donc je vais le faire aussi, je vais faire mon petit truc et voir comment ça se passe.

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Parmi les gars avec qui tu as travaillé, je pense à Ruki, Mike Shabb, ce sont des gars qui font souvent des allers-retours avec le Canada, qui sont très impliqués là-bas ?

TiBab Artiste

Carrément, l’équipe de 8ruki est là-bas en ce moment même. Ils sont bien impliqués là-bas. Moi, j’ai découvert le rap canadien et tout cet univers assez tard. J’ai rencontré Mike Shabb et ses gars dans diverses circonstances, et comme ce sont des Haïtiens et que je suis Antillais, on parle tous les deux créole, donc le courant est directement passé. Mike Shabb m’a parlé de son cousin Jeune loup, il m’a ensuite fait découvrir la musique 8ruki et tous ces gars-là. C’est Mike Shabb qui m’a ouvert les portes de cet univers il y a peut-être un an et demi ou deux ans, avant ça je n’étais pas vraiment au fait de la scène canadienne. Par exemple, le vidéaste de Mike Shabb a beaucoup aimé ce que je faisais quand il a vu mes clips, il m’a dit “il faut que je travaille avec toi” et il a réalisé deux ou trois de mes clips, on est allés tourné à Barcelone, en plus de promouvoir ma musique. Les gars du Canada sont proches de moi, ils apprécient ce que je fais, on reste en contact, même les médias partagent mes morceaux. C’est une bonne culture, ils ont vraiment compris mon univers. Ils m’ont dit “frérot, si tu viens ici pendant 6 mois, tu peux vraiment faire ta marque”. Récemment, Enima est venu à Paris et j’ai participé à son DVM Show. J’apprécie beaucoup l’énergie des gars du Canada, je les vois un peu comme les Français de l’Amérique, avec une mentalité qui comprend bien la culture créole, même s’ils ne sont pas tous Haïtiens. J’aime bien leur mouvement.

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Ça se voit que ça t’impacte, même si tu n’y es jamais allé, ça se voit que tu te sens vraiment connecté avec cette scène-là, ça se ressent. Et Mike Shabb, tu l’avais rencontré où ?

TiBab Artiste

Mike Shabb, je l’ai rencontré chez un pote à Paris qui fait des tatouages. J’étais là pour une retouche ou quelque chose comme ça, et ils étaient déjà là en groupe. Au début, j’étais tranquille sans trop savoir qui il était. Ensuite, mon pote l’a présenté, il était avec son équipe de médias et tout ça. Depuis ce jour-là, on se parle souvent, on se checke, on est bien synchronisé. La manière dont ça s’est passé, il est resté sur Paris je crois, 4, 5 jours de plus. On s’est vus les jours suivants, on est restés connectés, c’était vraiment naturel. Et le son qu’on a fait pour le projet, même si c’était naturel, moi je voulais un artiste international, mais qui soit dans le thème, parce que mettre un artiste de Saint-Martin tout de suite au niveau où je suis, ce serait pas le mettre en avant comme j’aimerais le mettre. En faisant cette connexion avec Mike Shabb, c’est moi qui me suis mis en avant, vu qu’il est plus reconnu que moi, surtout en France. En même temps, c’est le pont parfait entre l’international, le français, Haïti, les Antilles, tout ça, tu vois. C’est vraiment le truc parfait.

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Sur ton EP “Brick Baby”, il y avait aussi Zequin et Gapman, c’est Mike Shabb aussi qui te les a fait rencontrer ?

TiBab Artiste

Non, même pas. Gapman, je l’ai rencontré via Binks Beatz. C’est un bon, il m’aide pas mal dans mon développement, dans le sens où il me fait des branchements comme ça. C’est vraiment un bon. J’avais rencontré Gapman sur un tournage, Binks leur avait dit de passer, il y avait Dafliky et tout ça. On s’est directement branchés, on était dans le même délire, ça s’est fait naturellement. Le premier son avec Gapman, en vrai, on en a fait plusieurs, il y en a qui ne sont pas sortis, on en a choisi un pour l’EP. Sinon, il y a d’autres sons, même avec le frérot Dafliky. Leurs cultures, ce sont des mecs qui ont grandi en France avec leurs influences, c’est comme quand j’étais dans mon bled. Ils ont leur détermination, la connexion s’est faite direct. Et en plus, ils représentent bien le petit délire de la trap en ce moment sur Paname. J’ai besoin que les gens comprennent que moi, c’est la crème de la crème en vrai. En mode même si c’est de la trap, même si c’est de la drill, je veux envoyer. Et les gens avec qui je suis à côté, c’est en pétard, sinon je fais pas, c’est ma mentalité.

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T’as bien raison, en plus Binks c’est une légende en vrai, c’est incroyable que tu puisses taffer avec lui. Et là pour le contexte du morceau avec Gapman, vous avez tout fait ensemble quand vous étiez au studio ?

TiBab Artiste

Carrément, même Binks, on se check souvent, c’est-à-dire qu’on se check pas seulement dans le contexte musical. Puis Binks, comme tu dis, c’est une légende dans ce monde, vraiment. Quand il met sa main sur quelque chose, il ne rigole pas. C’est du brique par brique, je me connecte naturellement et j’essaye de bosser.

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Tous les feats du projet, tu as plus les faire en physique ? Il n’y a pas eu de distanciel ?

TiBab Artiste

Exactement, sauf Mike Shabb. Pour le coup, lui il a posé et il a fait la prod, puisqu’il est beatmaker aussi. Il m’a envoyé la prod, je lui ai dit que c’était carré, puis il a posé, et il m’a laissé mon open. C’est le seul son du projet qu’on a fait à distance. Pour Zequin, on a fait 4 sons en une soirée carrément, et après on a choisi lesquels garder. Il va sûrement y avoir d’autres sons avec lui aussi. J’aime bien bosser de cette manière, on vient, on bosse, et on chill. Là où je bosse, c’est pratique pour accueillir des gens. Le studio où je travaille, c’est comme un séminaire permanent, tu peux venir avec tes potos, c’est en esprit. Dis-toi que parmi les 4 sons, on a fait de la Pain, de la Drill, de la Trap, un peu de tout. En plus, Zequin, il est sans-gêne, il envoie direct. Des fois quand l’instru passe, il y a du blanc, mais là, y’a pas de blanc, ça envoie directement. Le son de Pain, j’ai toujours écouté ça, ce style de rap, même Lil Durk en fait depuis toujours. Carrément, j’avais le tatouage OTF quand j’avais 13 ans, j’étais à fond dans la Pain, j’en écoutais, mais je n’en avais jamais fait. Le poto est rentré dans la cabine, en peut-être 5 minutes il a lâché un couplet, un refrain, j’avais juste à faire ma partie. En même pas 20 minutes, on avait fini le son, on avait vraiment une bonne synergie. On va essayer de rebosser ensemble. Après, y’a pas que lui, tu vois mon frérot Laskiiz, c’est mon gars, c’est même pas en mode artiste, on peut faire des sons n’importe quand. C’est une vibe humaine, c’est léger, et moi j’ai besoin de ça. J’peux pas faire un son avec un gars si je l’ai pas checké avant une ou deux fois sans faire de son, sans voir qui il est vraiment. Parce qu’en vrai, même si c’est un business et que les connexions sont importantes, ça reste de la musique, et la musique, c’est du partage. Ça veut dire que je dois discuter avec la personne, voir c’est comment le délire. Tu peux être n’importe qui, je vais pas venir te sucer juste parce que t’es cette personne. Je dois juste voir qui tu es, et si on s’entend, si on a des atomes crochus. Même si à la fin de la journée on pense toujours au profit et au bénéfice, la musique, c’est du kiff. Y’a rien de tout ça de base, la musique, c’est censé être du kiff.

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On va maintenant parler de ton dernier EP, « Brick Baby ». Comment décrirais-tu l’identité du projet ? J’ai l’impression qu’il y a une métaphore assez forte entre le titre et la pochette. Peux-tu l’expliquer ?

TiBab Artiste

Je fais de l’égotrip. La plupart des choses que je fais, ce sont des choses qui m’entourent. Je suis un produit de mon environnement : Saint-Martin, et maintenant la France depuis 2 ans et demi. Mais « Brick Baby », c’est moi. C’est vraiment moi dans le sens où les chansons, de 1 à 7, ont des titres qui ont chacun leur raison d’être. Le premier son, « AZAZEL », c’est un ange qui est un démon. Ensuite, « KRAV-MAGA », c’est une discipline, un sport de combat. Puis, le son avec Gapman, « Hot », parce que c’est chaud, le son lui-même est chaud. Après, il y a « PARADIS FISCAL » qui représente Saint-Martin et ma vie. Ensuite, « PÉYI » est entièrement en créole. En fait, j’ai fait un son trap avec un flow d’Atlanta en créole, un truc qui n’a pas encore vraiment été fait. Pour répondre à ta question, l’EP c’est moi. « Brick Baby », c’est moi. C’est l’illégalité qui se met dans la légalité. C’est un petit mec qui vient de très loin et qui essaie de faire des moves un peu concrets dans une putain de ville. Paris, je la vois comme si c’était New York, en vrai. C’est juste que les gens parlent français.

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C’est peut-être le projet qui te représente le plus alors ? Plus que “Self-Made” ?

TiBab Artiste

Vraiment, “Self-Made” c’est léger, c’est de l’expérience, “Brick Baby” c’est plus concret, j’ai fait une sélection, une histoire, même le délire “Brick” c’est un truc illégal, tu vois le concept “Brique par Brique”, faut que les fondations soient solides en vrai, ça rejoins un peu tout, c’est le mood “Brick Baby”.

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Carrément, même la cover je l’ai trouvée marquante, parlante par rapport à ce que démontre le projet.

Cover de l'EP "Brick Baby" de TiBab

TiBab Artiste

En fait, j’ai eu plusieurs covers, mais j’ai choisi la plus simple parce qu’en vrai, je voulais quelque chose de sobre. C’est un EP trap, urbain, qui vient d’en bas culturellement parlant, de différents endroits, mais ça représente la rue. Cette cover représente bien ce que je voulais : elle n’est pas complexe, juste moi en bébé avec mes chaînes et mes tatouages. J’aime ce côté « simple et efficace ». Kodak Black a sorti un projet en 2017 appelé « Project Baby », donc c’est aussi un petit clin d’œil.

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Tu me parlais beaucoup de trap, notamment d’artistes ricains qui t’ont marquer par rapport au mouvement, et du fait de comment arrive la trap en France, de comment elle a évoluée, parce que je sais pas si t’as trop plus écouter ces artistes là mais la trap à la base (en France) c’est issu des mecs comme Booba, comme Kaaris…

TiBab Artiste

Au niveau de la culture de Saint-Martin, les gens ne connaissent pas trop. Quand t’as 18 ans, y’a pas de facs, tu dois bouger. Ça veut dire que tu vas soit en Martinique, en Guadeloupe, ou soit tu vas en Hollande. Les gens vont plus en Hollande, y’a plus de lien entre Saint-Martin et la Hollande qu’entre Saint-Martin et Paris. Y’a pas vraiment de mecs de Saint-Martin qui sont à Paname comme moi en train de faire du son, il y en a peut-être deux mais ils sont vraiment en développement, ils ne sont pas en train de faire des trucs concrets. Peut-être que le fait que moi je blow-up, ça leur permettra d’avoir des trucs plus concrets dans le domaine, c’est mon but en vrai. Je me sens un peu comme le visage de Saint-Martin, je dois essayer de montrer, j’ai beaucoup de trucs à montrer et là pour l’instant j’ai encore rien montré, je ne suis même pas encore retourné dans mon bled pour faire un clip, ça fait depuis que je suis en France que je n’y suis pas retourné. J’ai envie de ramener les interviews qu’ils font ici, Booska-P etc, je dois les ramener dans mon bled. Mais pour les ramener, il faut charbonner ici et être à fond pour qu’ils s’intéressent à toi, c’est un processus en fait.

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Parce que qu’est que ça signifie pour toi, de représenter cette île, Saint-Martin ?

TiBab Artiste

Pour moi, ça signifie beaucoup. Ce n’est pas une pression parce que je ne suis pas un gars comme ça, mais c’est en pétard, c’est méchant. Je sais que Saint-Martin compte 70 000 habitants, donc de toute façon, il n’y aura pas les 70 000 qui m’écouteront parce qu’il n’y aura pas les bébés et les vieux, mais je sais que tous les gens branchés de Saint-Martin, dès qu’il y a des choses qui sortent, ils sont au courant, ça fait plaisir. 

Je fais de la musique un peu de rue, donc parfois je n’étais pas forcément appelé dans les moments où il faut performer. Parce que Saint-Martin, que ce soit côté français ou anglophone, c’est un peu différent. La criminalité est présente mais elle essaye d’être cachée. Le gouvernement a un petit malaise avec ça mais il sait que c’est là. Même, le rap pour eux, dans leur tête, c’est à l’ancienne. Parfois, ils n’ont pas envie d’inviter des artistes un peu gangsta tu vois. C’est un peu old-school alors qu’eux-mêmes, c’est un gouvernement corrompu. À Saint-Martin, tu peux te faire arrêter avec plein de trucs sur toi et tu n’iras même pas en prison. C’est une autre mentalité, c’est une autre vie. À Saint-Martin, il y a un cinéma, mais par contre, il y a 14 casinos et 8 maisons closes. C’est très axé sur le vice, c’est un paradis fiscal, tu ne paies pas de taxes à Saint-Martin.

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Pour revenir à la trap, quel est ton ressenti par rapport à cette évolution, que ce soit l’impact qu’elle a eu en France ces dernières années, toi qui es vraiment dedans et qui le vis au quotidien en étant proche de gars comme Gapman, Dafliky etc ?

TiBab Artiste

En vrai, je trouve ça méchant. Comme je te disais, je suis arrivé il y a 2 ans et demi, presque 3 ans. Quand je suis arrivé, ce n’était pas comme ça. Je pense que depuis ce temps-là, même s’il y avait déjà une évolution, elle a été encore plus marquée récemment. Pour moi, c’est que du positif parce qu’avant je faisais déjà ça dans mon bled, mais maintenant je le fais de manière plus concentrée, plus sérieuse. Avant, c’était plus pour le fun, ça pétait de temps en temps. Maintenant, je veux me concentrer dessus, je vois ça d’un bon œil.

Et puis, même, pour te parler franchement, la musique urbaine, c’est du hip-hop, c’est les États-Unis. Donc en vrai, en France, ceux qui font les puristes et qui n’aiment pas trop le truc des States, même tu vois, Ninho il copie forcément un gars des States. J’ai pas de nom à te donner, mais en vrai, il fait du rap. À partir du moment où tu fais du rap, ton truc est imprégné d’une culture qui ne vient pas d’ici. Il y a le rap français, mais c’est à la même hauteur que le rap italien, le rap allemand et tout ce que tu veux. Tout ça, c’est la culture des États-Unis au final. Il y a le rap allemand parce que les gars parlent allemand, mais ils ne créent pas leurs propres temps. Les mecs rappent sur un calque. 

Puis, le rap, ça ne vient pas d’ici. Donc moi, je peux voir que d’un bon œil que les gens soient en train de se réveiller, de donner un peu plus de crédit à des trucs qui sont vraiment amenés d’une autre manière qui n’est pas d’ici.

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Oui, c’est vrai que ça prend quand même une tournure particulière ou ça évolue à sa manière ici. Bien sûr, c’est influencé par les États-Unis, mais ça évolue quand même à sa manière. Est-ce que tu ressens quand même une identité artistique en France ?

TiBab Artiste

Oui, bien sûr. Mais en fait, je vais dans ton sens. Je suis plus dans le délire où ça m’énerve un peu. De base, le rap, ça vient des États-Unis, que ce soit le délire trap ou pas, ça vient des États-Unis. Il y a des mecs qui sont fans de la « new wave », des mecs qui sont fans de la trap, des mecs qui sont fans du « rap de rolex ». Ces mecs-là n’ont pas forcément d’oreille sur la trap de Memphis ou d’Atlanta, mais peut-être que le poto qui fait son rap de rolex, lui, écoute que des mecs d’Atlanta. C’est comme si tu es fan de Gapman, tu dois être fan de Lil Durk parce qu’il parle d’eux-mêmes. Ça va plus loin, tout le monde a des références. Même si on ajoute notre sauce, et heureusement qu’on ajoute notre sauce parce qu’on ne peut pas faire un copier-coller. Mais maintenant, au niveau de la musique, il n’y a plus trop d’inventions, il y a beaucoup d’inspirations. Je trouve ça lourd. Moi-même, je n’invente rien. Mes musiques, c’est un mix d’influences et après, je mets ma sauce, je mets mon français, mon anglais, mon créole, mes mots, mes trucs, mais en vrai, je ne crée rien. Oui, je crée ma musique à la fin, mais je ne suis pas un savant fou, je ne suis pas Einstein. Ça veut dire que oui, j’ai des influences, j’écoute de la musique tous les jours, mais je ne suis pas en mode copier-coller. Je ne suis pas là à écouter un son et me dire que celui que je fais il faut qu’il soit comme ci ou comme ça. On a beaucoup de gars qu’on écoute, mais on ne sait pas forcément quelles sont leurs influences à eux ou qui ils écoutent. On va dire qu’ils copient les États-Unis ou non, mais il faut essayer d’aller voir plus loin. Alors que de base, le truc vient des États-Unis. Par exemple, Alpha Wann, c’est un gars qui rappe comme un mec des États-Unis, il rappe comme un gars de Brooklyn, à sa sauce. Mais quand je dis « comme », ce n’est pas péjoratif, c’est dans un bon vibe. Le rap, ça ne vient pas d’ici et on essaie d’amener cette culture. C’est notre rôle, en vrai.

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Je voulais te demander, c’est une question que je pose pas souvent, mais est-ce que t’aurais un “feat de rêve”, une collaboration que tu aimerais vraiment faire ?

TiBab Artiste

Ce serait pas un but ultime, mais un feat de rêve, ce serait un Lil Durk, ou un Kodak Black. Ce serait un feat rêvé, mais ce ne serait pas un but ultime, je vais pas charbonner juste pour me dire qu’il faut que je feat avec Lil Durk, mais bon, voir un “TiBab feat. Lil Durk”, pour moi, ce serait ouf (rires).

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On arrive maintenant à la fin de l’entretien, quels sont tes projets futurs qui vont suivre “Brick Baby” ?

TiBab Artiste

“Brick Baby”, j’aimerais le faire vivre jusqu’en septembre. Je vais lâcher un clip normalement en septembre, mais peut-être que j’en lâcherai aussi un en juillet, à voir. Si je veux, là je pourrais lâcher un EP en octobre, mais ce n’est pas forcément le but. À ce moment-là, je vais peut-être lâcher un ou deux singles, et si les gens ont bien accroché à l’EP, ils verront ce que valent vraiment ces singles. Sinon, il y a des boîtes d’édition qui me proposent de faire des visuels. Là, j’ai un visuel avec Pushk par exemple. La suite est déjà prête, j’ai déjà 4 ou 5 sons prêts. Carrément, après l’interview, je vais aller au studio. En ce moment, le thème c’est vraiment ça, parce que si je donne aux gens des trucs et qu’après je disparais, et que je ne suis pas constant, ça ne sert plus à rien. Comme je suis indépendant, mon but c’est de rester indépendant mais de prendre des contrats de distribution et autres, tu vois.

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